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Mademoiselle S. : Lettres d'amour 1928-1930 (présenté par Jean-Yves Berthault)
et aux éditions
pour ce partenariat !
Auteur > Anonyme
Editeur > Gallimard
Genre > érotisme, épistolaire
Préface et Postface > Jean-Yves Berthault
Date de parution > 2015
Nombre de pages > 255«Il n’y a pas de phrases, si éloquentes soient-elles, qui puissent exprimer toute la passion, toute la fougue, toute la folie, que contiennent ces deux mots notre amour. Nous goûtons à de telles extases qu’on serait inhabile à les vouloir conter!»
Cette correspondance érotique des années 20, découverte par hasard par Jean-Yves Berthault, ancien ambassadeur, dévoile la folle passion d'une femme pour son jeune amant. Un trésor épistolaire écrit dans une langue recherchée, souvent crue et d’une grande modernité. L’audace des mots, la transgression, s’imposent en même temps que celles des gestes, et si Mademoiselle S. nous fait partager ses fantasmes les plus fous, elle nous révèle avant tout une magnifique et tragique histoire d’amour."Excuse-moi, chéri, si ce mot est trop court..."
C'est la chronique de Jérôme qui m'a donné envie de découvrir ce recueil de lettres, aussi quand, quelques jours plus tard, Babelio m'a proposé cette Masse critique privée, n'ai-je eu aucun mal à me laisser tenter...
C'est toujours un peu pernicieusement troublant de prendre connaissance d'une correspondance oubliée depuis des décennies... et plus encore quand cette correspondance touche à une sphère aussi intime. Car Simone, la mademoiselle S. de ce recueil, écrit à son tout nouvel (et tout premier) amant des lettres d'amour enfiévrées, d'une crudité parfois étonnante, relatant sans fard leurs dernières rencontres ou imaginant les prochaines, ainsi que les jeux sexuels auxquels ils pourront bien s'adonner ! Et Simone a de l'imagination, c'est le moins que l'on puisse dire !
La jeune femme est prête à tout pour garder cet amant, jusqu'aux plus folles transgressions. Progressivement, elle prend les initiatives, inversent les rôles.
Les circonstances de leur rencontre et leur situation personnelle ne nous sont livrées que parcimonieusement, mais nous apprenons que Charles est marié et qu'ils ne peuvent se rencontrer qu'en secret, parfois entre de longues phases d'absence. Simone sait leur relation fragile, aussi s'ingénie-t-elle à traquer les fantasmes de son amant pour lui offrir ces caresses qu'une femme de la bonne société de cette époque ne saurait s'abaisser à prodiguer sans passer pour une prostituée...Simone entre dans une sorte de cercle vicieux, si je puis dire, cherchant à repousser toujours plus loin ce besoin de frénésie sexuelle, exigeant la satisfaction de fantasmes de plus en plus extrêmes... Ses lettres, de plus en plus délirantes et impudiques, révèlent son obsession amoureuse autant que son angoisse de perdre ce jeune amant. D'ailleurs, même si nous n'avons accès qu'au point de vue de Simone, on devine Charles parfois lassé de cette relation passionnelle, de l'insistance de sa maîtresse, voire effaré par ses propres fantasmes qu'elle a percés à jour et les exigences qu'elle émet pour les satisfaire !
Évidemment, tout le long de la lecture, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'authenticité réelle des lettres. S'agit-il d'un canular littéraire ? Une femme de la bourgeoisie pouvait-elle se montrer aussi audacieuse sexuellement, mais surtout coucher par écrit des fantasmes aussi dégradants pour l'époque ?
En tout cas, le style est d'une très grande qualité, et malgré l'inconvenance folle et la précision de certains mots, aucune vulgarité n'émane du texte. Autre exploit : bien que Simone tourne en boucle sur sa passion, je n'ai jamais eu le sentiment de redites ni d'ennui à travers ces dizaines et dizaines de lettres. C'était parfois même tourné de manière délicieusement surannée !
Pour conclure, une très belle découverte d'une correspondance à l'érotisme très cru mais servi par une très belle plume ... L'histoire d'amour de Simone, qui est notre seul point de repère, est fascinante, sa rencontre avec Charles faisant naître chez elle une obsession et une passion violentes qui l'entraînent progressivement vers des transgressions de plus en plus intenses. Bizarrement, l'absence de lettres de Charles n'est pas si gênante que cela, puisque l'amant apparaît bien inconsistant comparé à Simone, comme un "auxiliaire" supplémentaire finalement... Par contre, à réserver à des lecteurs avertis !
Je remercie Babelio et Gallimard pour cette lecture surprenante !
Appréciation :
”Ah ! Chéri, comme je t'aime... Pourrais-tu en douter ? Tu m'as semé le vice dans le sang et je veux maintenant des étreintes farouches, à nulles autres pareilles. Je t'aime, je t'aime, je t'aime comme une bête en rut. Je veux te sentir pénétrer en mon être, décharger dans ma chair. Je veux jouir comme une brute sous tes caresses ou sous tes coups. Que m'importe ! Ce que je veux, c'est t'aimer, t'aimer, te donner du plaisir avec mon corps en fièvre qui réclame ta possession. Mon amant adoré mon petit dieu, que n'es-tu là pour calmer ce désir furieux qui monte, qui monte, qui m'emporte follement vers toi ! Vite samedi, je veux souffrir, je veux t'aimer. Je veux dévorer de baisers ta queue et ton cul que j'adore. Ma langue infatigable ira de l'un à l'autre. Je te sucerai, je te branlerai, je t'aimerai... Ah ! Charles, je deviens folle de désir, je n'en puis plus. J'ai mal dans tout mon être tendu vers toi éperdument. À ce soir mon aimé. Je t'adore. Je t'aime. Je te veux.
(page 32)Ma 19ème participation au RV de Stephie.
Tags : littérature française, érotisme, années folles, épistolaire, partenariat, mademoiselle s. : lettres d'amour 1928-1930, jean-yves berthault, XXème siècle
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Commentaires
1MF215Lundi 31 Août 2015 à 22:09Répondre@Missie,
C'est exactement ce que je me suis dit... Après, je sais que Musset et Sand ont échangé une correspondance coquine, mais elle était cryptée... Mais là...
Je n'en ai pas parlé dans mon billet, mais certains passages ne s'accordant pas, de mon point de vue, au statut de grande bourgeoise de Simone m'ont fait douter de l'authenticité des lettres, au-delà de l'aspect sexuel...
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