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L'homme qui savait la langue des serpents d'Andrus Kivirähk
Auteur > Andrus Kivirähk
Editeur > Attila
Genre > conte fantastique
Postface > Jean-Pierre Minaudier
Date de parution > 2007 pour l'édition originale , 2013 pour la présente édition
Titre original > Mees, kes teadis ussisõnu
Nombre de pages > 422
Traduction > de l'estonien par Jean-Pierre MinaudierAndrus Kivirähk est un écrivain estonien né en 1970 à Tallinn. Phénomène littéraire dans son pays, journaliste et essayiste, son œuvre importante suscite l’enthousiasme d’un très large public qui raffole de ses histoires. Il écrit des romans et des nouvelles, des pièces de théâtres, des textes et des scénarios de films d’animation pour enfants.
Voici l'histoire du dernier des hommes qui parlait la langue des serpents, de sa sœur qui tomba amoureuse d’un ours, de sa mère qui rôtissait compulsivement des élans, de son grand-père qui guerroyait sans jambes, de son oncle qu'il aimait tant, d'une jeune fille qui croyait en l'amour, d'un sage qui ne l'était pas tant que ça, d’une paysanne qui rêvait d’un loup-garou, d’un vieil homme qui chassait les vents, d’une salamandre qui volait dans les airs, d’australopithèques qui élevaient des poux géants, d’un poisson titanesque las de ce monde et de chevaliers teutons épouvantés par tout ce qui précède...
Peuplé de personnages étonnants, empreint de réalisme magique et d’un souffle inspiré des sagas islandaises, L'homme qui savait la langue des serpents révèle l’humour et l’imagination délirante d'Andrus Kivirähk. Le roman qui connaît un immense succès en Estonie depuis sa parution en 2007, retrace dans une époque médiévale réinventée la vie d'un homme qui, habitant dans la forêt, voit le monde de ses ancêtres disparaître et la modernité l'emporter. Une fable ? Oui, mais aussi, comme le souligne dans une postface bien renseignée le traducteur, un regard acéré sur notre époque.
"Il n'y a plus personne dans la forêt."
J'avais déjà repéré ce roman à ma médiathèque il y a plusieurs mois grâce au titre intrigant et à la très jolie couverture, aussi ai-je été plus qu'enchantée quand BouQuiNeTTe a dévoilé la destination du mois d'octobre pour le chalenge Virée littéraire européenne : l'Estonie (car oui, l'auteur de ce roman est estonien !!^^)... Là, je n'avais plus d'excuses pour en différer la lecture, n'est-il pas ? Celle-ci a d'ailleurs été un véritable enchantement. Et une surprise très agréable !
Leeme, le narrateur de l'histoire, est le dernier homme à savoir la langue des serpents. Et le dernier homme de la forêt, après avoir été le dernier homme de sa famille. Bref, il est le témoin de la disparition d'une culture remplacée par une autre importée par des étrangers, et il nous raconte son histoire.
L'intrigue prend donc place dans un monde médiéval ré-inventé, où le merveilleux et le fantastique s'invitent sans aucune fausse note.
Deux mondes s'affrontent alors : le village et la forêt, incarnant la modernité et les traditions, le christianisme et le paganisme.
Leeme se retrouve coincé entre les gardiens fanatiques de ces deux camps irréconciliables : enfant, son père a quitté la forêt pour s'installer au village et profiter du progrès ; à sa mort, toute sa famille est retournée vivre dans la forêt mais Leeme est considéré comme un traître de villageois par Tambet, qui vit arc-bouté sur les cultes anciens et les vieilles traditions.L'auteur fait preuve d'un humour irrésistible pour dénoncer le fanatisme et l'obscurantisme qui frappent certains représentants des deux communautés, la palme de la méchanceté revenant à Tambet et Ülgas le Sage (qui n'est en fait qu'un charlatan se servant du respect aveugle dû aux coutumes pour asseoir son statut mas dont tout le monde, lui y compris, a oublié la signification exacte).
Mais le village chrétien n'est guère épargné par les critiques, et ses habitants apparaissent comme des benêts influençables, attirés par tout ce qui vient de l'étranger et convaincus des bienfaits du changement sans jamais en remettre en cause le bienfondé.L'auteur nous invite à un conte plein de drôlerie et de poésie, habité par un bestiaire savoureux, et où les bêtes apparaissent parfois plus sages que les humains... J'ai adoré le meilleur ami de Leeme, la vipère royale prénommée Ints dont la langue bien pendue et les considérations pragmatiques nous valent quelques fous rires, la jeune et touchante Hiie, brimée par son père mais adulée par le pou géant élevé par les deux anthropopithèques Pirre et Rääk qui ne rêvent que de vivre toujours plus proche de la nature en régressant aux premiers temps des hommes, et tant d'autres personnages attachants. Par contre, au fur et à mesure de l'histoire, le ton se fait de plus en plus cruel, pour finir sur une note désenchantée !
Pour conclure, une lecture délicieuse qui nous offre de beaux passages à l'humour complètement déjanté, bien que le rire se fige progressivement au rythme des déboires et des malheurs endurés par Leeme. Une excellente découverte donc que je recommande chaudement...
Appréciation :
”«Est-ce que ces braillements vont se terminer un jour ? On aura jamais la paix, il passe son temps à ouvrir tout grand la gueule et à hurler comme un loup !»
«Cher vieux voisin», répondit le moine paisiblement en se frottant lentement les paumes l'une contre l'autre, comme s'il se lavait les mains avec des rayons de soleil,«tu pourrais quand même faire preuve d'un peu plus de souplesse. Ce genre de musique est aujourd'hui fort en vogue dans la jeunesse. Tu es âgé, tu as d'autres goûts, mais tu devrais comprendre que le temps va de l'avant et que ce qui ne te plaît pas peut procurer du plaisir à la jeune génération qui prend exemple sur Jésus-Christ.»
«C'est ce type qui t'a appris à chanter comme ça ?» cria le petit homme trapu.
«Bien sûr que c'est le Christ. C'est l'idole des jeunes. De telles mélodies sont celles qu'entonnent les anges au paradis et les cardinaux en la sainte ville de Rome. Pourquoi devrai-je m'abstenir de les chanter si tout le monde chrétien les entonne ?»
«Chez moi, c'est pas le monde chrétien», coupa le Sage des Vents. «Pardonne-nous de t'avoir déranger, Horbü. Tu devais être en train de faire la sieste.»
«Bien sûr que je faisais la sieste ! Et juste au moment où je dormais le mieux, voilà ta charogne de fils que se met à pleurnicher comme si la merde était venue lui boucher le trou du cul ! Pourquoi est-ce que tu lui permets de venir chez toi ? Qu'il reste dans son monastère s'il a choisi d'y vivre. Qu'est-ce qu'il a à venir embêter les vieux !»
«C'est quand même mon fils», soupir Möigas.
«Qu'est-ce que ça peut faire ! Loi, ma fille, je lui a dit, si tu te fais nonne, tu ne mets plus le nez chez moi, espèce de pute !»
(page 263-264)Challenge ABC 2015 Littératures de l'Imaginaire de Ptitetrolle - 9/26
Challenge Littérature de l'Imaginaire organisé par MarieJuliet (23/24)Ma 2è participation à la 2è édition du challenge de BouQuiNeTTe - séjour en Estonie
D'autres billets sur l'Estonie : Sharon ♦ Julie ♦ Salhuna ♦Ce billet est ma 22è participation au challenge d'Helran - cette escale compte pour l'Estonie
Ma 32ème participation au challenge de Myrtille - inspiré des légendes estoniennes
« [Rendez-vous] Le premier mardi, chez Stephie c'est permis... 100% Sexy Rugby #21Le Fleuve guillotine d'Antoine de Meaux »
Tags : l'homme qui savait la langue des serpents, andrus kivirähk, conte, fantastique, moyen-âge, littérature estonienne, XXIème siècle
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Commentaires
Belles lectures à toi.
Merci Mamie Cerise.
J'espère que tu seras autant que moi captivée par cette lecture. En tout cas, c'est un excellent choix pour le WE à 1000, car en plus d'être passionnant, ce roman se lit également très vite...