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Teleny d'Oscar Wilde
Auteur > Oscar Wilde
Editeur > Dominique Leroy
Collection > L'Enfer de la Bibliothèque nationale de France
Genre > érotisme, classique
Date de parution > 1893 dans l'édition originale, 2000 dans la présente édition
Titre original > Teleny or The reverse of the medal
Format > ePub
Poids du fichier > 260 Kb (148 pages)
Traduction > de l'anglais par
(sources : Evene)
Né en 1854 dans la bourgeoisie irlandaise et protestante de Dublin d'un chirurgien réputé et d'une femme de lettres engagée dans la lutte irlandaise, Oscar Wilde, , fait de brillantes études à l'université d'Oxford.
Suite à sa rencontre avec John Ruskin, porte-parole du mouvement "esthète", il adhère à ce courant artistique qui prône la recherche du "beau", sans préoccupation morale ou sociale. Rédacteur en chef du magazine The Woman's World, il prend fait et cause pour le féminisme. Installé à Londres, il choque la société mondaine par ses extravagances, son cynisme et ses pièces de théâtre sont souvent interdites de représentation. Mais c'est son roman, Le Portrait de Dorian Gray, qui lui assure le succès.
A l'heure où l'homosexualité est punie par la loi, la relation passionnée qu'il entretient avec Lord Alfred Douglas le conduit à purger deux années de travaux forcés. A sa sortie, c'est un homme brisé qui rejoint son amant en Italie. Il meurt dans le dénuement à Paris où il est enterré au Père Lachaise en 1900.
Oscar Wilde reste une figure majeure de la littérature dont l’atmosphère singulière continue de provoquer l’admiration.L’œuvre maudite d’Oscar Wilde… Un prolongement à visage découvert du Portrait de Dorian Gray , autobiographique et sulfureux, d’un érotisme cru et d’un romantisme désespéré, racontant les amours homosexuelles et tragique de René Teleny et Camille Des Grieux.
Tout Wilde est là : sa recherche du plaisir, le pressentiment de sa chute, ses références littéraires, ses personnages, ses aphorismes.
Oscar Wilde est à la fois Teleny et Des Grieux : séducteur et infidèle, amoureux passionné, jaloux impénitent, initiateur et disciple, il se livre sans voile dans ce roman troublant.
Publié pour la première fois à Londres en 1893 à 200 exemplaires, Teleny fut édité en français en 1934, à 300 exemplaires (Enfer de la Bibliothèque nationale, cote 1233), et attribué à Oscar Wilde dès 1958 par Maurice Girodias, puis par son biographe H. Montgomery Hyde en 1975, dont les plus récentes conclusions sont rassemblées dans « l’enquête littéraire » qui ouvre la présente édition."Dès les premiers jours de mon arrivée à Nice, l’hiver dernier, j’avais croisé plusieurs fois sur la Promenade un jeune homme brun, maigre, un peu voûté, au teint pâli, aux yeux — de beaux yeux bleus — cerclés de noir, aux traits fins mais vieillis et émaciés par un mal profond qui semblait à la fois physique et moral. Il déambulait péniblement, et tout dans son aspect accusait les ravages de l’impitoyable tuberculose, cette affection terrible dont tant de gens viennent en vain demander la guérison au chaud soleil de la Riviera. Il était seul à Nice et paraissait en proie à une incurable mélancolie."
Avant de parler du livre en lui-même, il me faut dire quelques mots sur l'auteur présumé. La paternité de l'ouvrage est attribuée par quelques spécialistes à Oscar Wilde, tandis que d'autres pensent qu'il s'agit d'une écriture en collaboration avec plusieurs de ses amis. N'étant pas une spécialiste de l'auteur irlandais, je me garderai bien de trancher...
Pour en revenir à l'intrigue, celle-ci relate l'histoire d'amour tourmentée entre le jeune et riche Camille Des Grieux et le très recherché pianiste hongrois René Teleny.
Dans un premier temps, Camille va tenter de lutter contre ses sentiments, déchiré entre sa passion dévorante pour un homme et son désir de respectabilité, car dans cette société victorienne, l'homosexualité est très sévèrement punie par la loi.
Cependant, son obsession finit toujours par le ramener à Teleny, qu'il se met à suivre secrètement après ses récitals pour découvrir avec douleur que le talentueux musicien partage ses nuits aussi bien avec des femmes que des hommes... Comme une espèce d'échange télépathique s'est noué entre Camille et René dès leur première rencontre, le malheureux Anglais assiste en pensée aux ébats du Hongrois !
Dévasté par la jalousie, il pense mettre fin à ses jours mais en est empêché in extremis par Teleny. Commence alors pour eux une vie de volupté aussi inassouvissable que dangereuse jusqu'au drame final...De tous les romans érotiques que j'ai lus jusqu'ici, c'est celui que j'ai le plus apprécié.
Non seulement les personnages sont bien développés mais le récit offre également un témoignage culturel poignant sur la stigmatisation de l'homosexualité et la souffrance mentale et émotionnelle qui en découle.
Certes, les scènes de sexe, très explicites et très détaillées, abondent (d'ailleurs, certaines métaphores sexuelles m'ont bien fait sourire ! ^^), mais ce livre ne se résume pas à ça, car nous avons droit à des passages plus psychologiques où l'hypocrisie de la société est dénoncée et où le droit à l'amour et au bonheur est revendiqué, quelque soit le sexe de son partenaire !
D'ailleurs, le texte décrit avec une précision très évocatrice l'amour homosexuel de Teleny et Des Grieux, émotion pure et actes sexuels mêlés, ce qui fait que l'on se sent extrêmement touché par leur relation...
"Nous nous aspirions de nouveau dans un baiser plus ardent, si possible, que le premier. Oh ! le souvenir de ce baiser me brûle encore les lèvres. Un baiser, c’est quelque chose de plus que le premier contact charnel de deux corps : c’est l’exhalation de deux âmes enamourées. Mais le baiser criminel longtemps retenu, longtemps désiré, est plus sensuel encore ; c’est le fruit défendu, c’est un tison ardent qui enflamme le sang." (page 83-84)C'est donc très visuel. C'est également écrit d'une manière très sophistiquée et très raffinée, parfois en totale contradiction avec la violence de certaines scènes (dont quelques-unes ne sont pas dénuées d'humour même dans le drame comme celle du bordel ou de la partie fine entre hommes, et dont une autre, portant sur un viol, est elle, par contre, particulièrement glauque), mais ce contraste souligne davantage l'hypocrisie de cette société victorienne pour qui seule compte la sauvegarde des apparences, conduisant au suicide les personnes ayant osé défier les conventions ou victimes des mâles dominants...
On retrouve dans ce texte beaucoup de références mythologiques,liées à l'Antiquité ou bibliques ainsi que des allusions littéraires classiques.
Ainsi, Antinoüs et Hadrien apparaissent dans une vision commune à Camille et René tandis que ce dernier joue du piano, préfigurant la fin tragique de leur histoire : "... Après vint l’Égypte, puis surgirent Antinoüs et Hadrien. Vous étiez l’empereur, j’étais l’esclave... Il ajouta plaisamment, parlant presque pour lui seul : — Qui sait ? Peut-être mourrai-je pour vous, un jour, comme Antinoüs pour son maître. Et ses traits prirent l’expression douce et résignée que l’on voit sur les statues antiques des demi- dieux." (page 23-24)
Même le patronyme de Camille, renvoyant aux héros du Manon Lescaut de l'abbé Prévost, laisse planer une atmosphère tragique...Pour conclure, une très belle découverte d'une sorte de manifeste homosexuel avant l'heure, à l'érotisme très cru mais servi par une très belle plume qui magnifie une vision de l'amour tragiquement passionnée...
Appréciation :
page 61-62 :
"La rue était déserte. Seuls quelques passants attardés se hâtaient de rentrer chez eux. Embusqué au coin de la rue, je ne perdais rien des mouvements des deux jeunes gens.
Je crus un moment qu’ils allaient se séparer, car je vis Bryancourt tendre les mains et saisir celles de Teleny. J’en fus tout heureux. Après tout, me disais-je, j’ai mal jugé Bryancourt ; pourquoi m’imaginer que tous les hommes et toutes les femmes sont amoureux de ce pianiste ?
Ma joie fut de courte durée ; la scène qui suivit me bouleversa : Bryancourt attira sur lui Teleny et... leurs lèvres s’unirent dans un long baiser, un baiser qui pour moi fut fiel et absinthe ; puis, après un échange de quelques paroles, la porte s’ouvrit et ils disparurent dans la maison.
Des larmes de rage, d’angoisse, de dépit jaillirent de mes yeux, je grinçais des dents, je mordais mes lèvres jusqu’au sang ; je m’élançai comme un fou sur la porte close, je la frappai du poing. Des pas s’approchèrent, je m’enfuis. J’errai dans les rues jusqu’à l’aube ; alors, harassé, fourbu au moral et au physique, je regagnai ma demeure. Le lendemain, je pris encore une fois la ferme résolution de ne plus jamais retourner aux concerts de Teleny, de ne plus le suivre, de l’oublier. J’aurais même quitté la ville, si je n’avais pas cru avoir trouvé un moyen de me délivrer de cet horrible amour."Ma 9ème participation au RV de Stephie.
D'autres billets inavouables : Stephie ♦ Sabariscon ♦ Lasardine ♦ Mylène ♦ Liliba ♦ Laurie ♦ L'irrégulière ♦ Leiloona ♦ Sarah ♦Le classique du mois de mars pour le challenge organisé par Stephie.
Ma 8è participation au challenge d'Hedyuigirl (8/19-31)
Ce billet est ma 10è participation au challenge d'Helran; cette escale compte pour l'Irlande
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Tags : teleny, oscar wilde, érotisme, eBook, collectif, littérature irlandaise, classique, XIXème siècle, littérature anglaise, M/M, F/F, victorienne
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Commentaires
1LeiloonaMercredi 5 Mars 2014 à 08:33L'extrait que tu mets en fin de billet montre qu'effectivement le style est aussi un régal, et ça ça manque souvent dans la littérature érotique actuelle.RépondreC'est exactement cela, Leiloona, on suce les mots comme un bonbon délicieux... et ça nous change de la littérature érotique actuelle (enfin, celle qui fait le buzz...). Merci de ton passage ici !
@ Liliba,
oui, c'était que du bonheur de lire une prose d'une telle qualité dans un genre si peu pris au sérieux...
@Alison,
Contente d'avoir titillé ta curiosité... C'était troublant de se dire, au regard de certains passages faisant cruellement écho à certains événements de la vie de Wilde, que l'auteur nous faisait entrer dans son intimité et nous livrait ses pensées les plus secrètes et les plus inavouées...
Je le note !!
En plus j'aime beaucoup cet auteur :)
Tentatrice !@Sylly,
c'est toi qui oses me traiter de tentatrice ? bon, en même temps, n'est-ce pas Oscar Wilde qui a dit : "La meilleure façon de résister à la tentation, c'est d'y céder !" ? nous sommes donc parfaitement dans le thème... gniark gniark gniark...J'aime énormément Oscar Wilde, mais j'ai lu assez peu de choses de lui! Du coup j'ai bien envie de me mettre à celui-ci ;)
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